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Objectif 10: Écrire pendant 1 an

J’ai la même relation avec l’écriture que celle perverse que j’entretiens avec la masturbation. Jeune et guilleret, je la pratiquais avec fringance et fréquence dans l’intimité. Et puisque les jours avilissent et que le temps est perfide dans son annihilation sournoise de la naïveté, l’écriture a aujourd’hui toutes les caractéristiques de la masturbation postpubère. Je la pratique seule le soir dans un l’égocentrisme le plus consommé sans être assumé. J’écris mécaniquement pour trouver le sommeil, j’écris dans une noirceur complète que seule la faible lueur de mon portable vient troubler. J’écris sans conviction, avec la vigueur de poignets secouant sans ardeur une protubérance trop flasque parce que déprimée.

Tout jeune, je passais des heures à noircir des feuilles lignées d’histoires rocambolesques. Je m’assoyais à la table de la cuisine, mes pieds touchant à peine le sol, et je libellais les univers qui meublaient mon esprit enfantin. Avec mes crayons de plomb et ma calligraphie pataude, je dressais des mondes féériques et des péripéties dantesques tout en érigeant des monts de retailles de bois avec mon taille-crayon mal affuté.

Plus tard, je me suis mis à écrire de la poésie, griffonnant de frustes alexandrins dans mon agenda durant les cours. Je m’exaltais de ma prose puérile, satisfait de légitimer mes séances excessives de crosse de jeune adolescent en métaphorisant mes poussées d’hormones à grands coups de strophes ineptes.

Lorsqu’arriva le temps de me choisir une carrière, un futur, j’ai décidé de faire des études littéraires. Me retrouvant devant rien, je me suis dressé un vague plan, je voulais étudier en littérature, faire un certificat en pédagogie puis enseigner. J’étais excité à l’idée d’étudier les plus grandes œuvres, de disséquer le style et la pensée de grands auteurs.

Outre la platitude des cours, la déception la plus vive que m’apporta ma seule session en sol universitaire fut la constatation implacable de ma nullité. Absence de style, d’idées, je me faisais mettre la face bien profonde dans mon propre caca.

Jeune, j’avais ces idées de grandeur. J’allais écrire un roman, ou un truc du genre. Quelque chose d’immersif, avec une plume balèze pis toute, le genre de livre que l’on lit jusqu’à tard le soir, juste parce qu’on a l’impression que quelqu’un, quelque part, nous comprend.

Pis fuck, j’ai essayé. J’ai essayé durant toute la session, pour le fun. Je griffonnais des idées moches, j’ai dû écrire deux cents débuts de livre, finissant toujours par les mettre aux poubelles, à chaque fois un peu plus excédé.

J’ai finalement lâché mon BAC et j’ai emprunté la voie que j’ai décrite auparavant. Le jour où j’ai annulé mon inscription à la session d’hiver, j’ai aussi rangé mon dictionnaire et mes crayons. À toute fin pratique, je n’ai pas écrit pendant près de quatre ans. J’étais comme un gamin qui a joué toutes les premières années de sa vie au hockey dans la rue et qui réalise une fois sur la glace qu’il est absolument incapable de patiner. Le désarroi m’a décrissé.

Et là je me suis donné comme objectif de cesser ces enfantillages. Bien sur, je sais que je ne réinvente rien ici, conscient de mes contraignantes limites. Mais j’ai décidé d’arrêter de bouder ce plaisir d’autrefois qu’est l’écriture. Et même si l’idée d’un blogue m’avait toujours pué au nez, que je me sens comme une adolescente à écrire ici mon quotidien, à raconter mes banalités de tous les jours, que tout ça n’a rien de glorieux, je me sens bien et c’est avec un ostie de gros fun que je retrouve l’écriture.

Et parce qu’il va y avoir des creux, des périodes où ça ne me tentera plus, où le côté infantile de l’entreprise me dépassera, je me rappellerai cet objectif. Celui d’écrire pendant un an. Un an avant de tout arrêter.

Catégories :Objectif 10