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Pensées rapaillées

septembre 1, 2010 7 commentaires

Je me suis acheté un CD. Je ne me souviens pas de la dernière fois que je l’avais fait avant aujourd’hui. C’était peut-être OK Computer, Le Dôme ou The Rise and Fall of Ziggy Stardust, je ne saurais vous dire.

C’est que sortait hier le second volume de Douze hommes rapaillés, l’œuvre de Gaston Miron mise en chanson par 12 interprètes. J’avais reçu la première édition comme cadeau au Noël dernier. Le disque est resté 4 mois dans mon lecteur d’auto. J’ai dû écouter Au sortir du labyrinthe, La route que nous suivons et Pour retrouver le monde et l’amour à des centaines de reprises, parfois en chantant, murmurant les paroles des chansons en scindant la nuit, d’autres fois en écoutant seulement les textes, béat et paisible.

J’avais donc hâte d’entendre les nouvelles pièces. Je suis entré chez un disquaire, transporté, je vous jure, et je me suis emparé du CD avec l’exaltation d’une groupie au slip humecté. De retour dans ma voiture, je luttais avec fébrilité contre l’emballage plastique. Mes ongles trop courts, je peinais à l’ouvrir, mes doigts glissant sans emprise aucune.

J’ai fait le tour du CD à trois reprises depuis tantôt. C’est bon. Bon comme une première date appréhendée qui se déroule à merveille, bon comme l’amour par une journée de tempête hivernale. Fucking bon. Il y a ce texte, Soir tourmente, chanté par Daniel Lavoie.

La pluie bafouille aux vitres
et soudain ça te prend
de courir dans tes pas plus loin
pour fuir la main sur nous

tu perds tes yeux dans les autres
ton corps est une idée fixe
ton âme un caillot au centre du front
ta vie refoule dans son amphore
et tu meurs
tu meurs à petites lampées sous tes semelles

ton sang
ton sang rouge parmi les miroirs brisés

Et quand il dit « Et tu meurs, tu meurs à petites lampées », j’ai le poil DRETTE sur les bras. Pis ça me rend triste aussi. Parce que c’est comme ça que je me sens. Je meurs à petites lampées.

Cette après-midi, quand j’ai appris que le volume 2 était disponible en naviguant sur internet, j’ai eu hâte d’acheter le CD. Genre vraiment hâte. Et j’ai essayé de me rappeler de la dernière fois que j’ai ressenti cela, de la hâte, de l’enivrée anticipation. Ça a été long à trouver, ça datait peut-être de 5 mois. Puis la fois d’avant, c’était peut-être il y a 20 mois.

Auparavant, j’ai l’impression que ce sentiment était constant. J’avais hâte à ma prochaine partie de balle, je trépidais d’impatience d’essayer ma nouvelle paire de patins, de lire le nouveau Dragonball, d’aller en camping, de voir Les Boys au cinéma avec mon argent de poche.

Je marquais d’un X les jours qui précédaient Noël ou mon Anniversaire, des évènements qu’ironiquement j’appréhende maintenant.  Je comptais les dodos avant le retour à l’école, comptais les dodos avant la fin de l’année scolaire. J’avais cette impression de vie meublée, cette sensation d’ivresse de vivre en plénitude. Une sensation que je n’ai plus.

J’ai l’impression que mes éclats de rire se sont émoussés. Il y a cette certitude qu’avec chaque jour qui passe s’égraine un peu plus de ma capacité au bonheur. Ce feeling de subir les évènements plutôt que de les escompter.

Je suis à la remorque de mon immobilisme.